Depuis début 2022, les consignes de tri concernant les plastiques ont été considérablement élargies. C’est maintenant tous les emballages plastiques que nous sommes invités à trier dans le bac jaune : petits sachets plastiques, pots de yaourt… Est ce que tous ces plastiques sont vraiment recyclables ? Et dans les faits, sont-ils vraiment recyclés ??
Pour y voir un peu plus clair, nous avons décidé d’interroger des experts du plastique et de son recyclage : Lise Nicolas et Enzo Muttini, les fondateurs de M. & Mme Recyclage !
Comment présenter M. & Mme Recyclage en quelques mots ?
” Nous sommes deux ingénieurs, forts de 7 années d’expériences dans le recyclage. Avec M. & Mme Recyclage, nous souhaitons partager nos connaissances au grand public, sur les réseaux sociaux, afin de démystifier le monde du recyclage. Nous avons aussi développé en parallèle un bureau d’étude qui accompagne aujourd’hui les entreprises, les collectivités et les associations sur les problématiques du recyclage. “
Rentrons maintenant dans le vif du sujet !
Depuis l’extension des consignes de tri, nous devons mettre tous les plastiques dans le bac jaune. Est ce que tout est vraiment recyclable ?
” Techniquement presque tous les plastiques sont recyclables. En pratique, il n’y a pas grand chose qui est recyclé… C’est un très bel exemple de la différence entre la théorie et la pratique ! L’extension de la consigne de tri a surtout été pensée dans l’idée que le fait de devoir savoir quels emballages plastiques il fallait mettre ou non dans le bac de tri freinait le tri pour une partie des français. On a donc simplifié en disant “mettez tout ce qui est en plastique dans le bac jaune” pour augmenter le volume des plastiques collectés. “
Est ce que tout ce plastique collecté est vraiment recyclé ?

” En France, on recycle bien les bouteilles plastique comme les bouteilles d’eau, de shampoing, de lessive… On recycle aussi bien tous les emballages en plastique rigide comme les barquettes de beurre. Tout le reste est beaucoup moins bien recyclé. Une des raisons est que beaucoup d’emballages sont des emballages “complexes” avec plusieurs matériaux collés entre eux ce qui les rend très difficiles à recycler. C’est par exemple le cas des barquettes de jambon, des pots de yaourts… ou des sachets en plastique souple (recharges de sucre, recharges de lessive, blisters…). Dans les faits, tous ces emballages ne sont quasiment pas recyclés alors qu’ils font bien partie des emballages qu’on nous demande de trier dans la poubelle jaune ! Cela donne l’impression que c’est recyclé alors que pas du tout.
Les briques Tetrapack elles sont plutôt bien recyclées mais principalement pour récupérer et réutiliser la partie en carton. “
Pourquoi est ce que dans les faits, nous ne recyclons pas tout ce qui est recyclable ?
” Tout d’abord, on ne peut pas forcément refaire des emballages plastique à partir d’anciens emballages. Ce n’est possible que pour les bouteilles d’eau. Pour les autres emballages (pots de yaourt, barquettes…), le processus de recyclage modifie le plastique qui devient impropre au contact alimentaire. On ne peut donc pas le réutiliser pour refaire les mêmes emballages alimentaires.
Ensuite, il y a des raisons logistiques et financières. Recycler du plastique n’est rentable pour le moment que sur de gros volumes. C’est donc difficile sur les petits contenants comme les pots de yaourts. Cela deviendra rentable quand nous serons bloqués par l’augmentation des prix des matières premières ou par une obligation légale.
Quelque chose qu’il faut bien comprendre c’est que de toute façon le recyclage infini n’existe pas. En effet, on perd de la matière à chaque fois qu’on recycle et le recyclage modifie aussi la matière plastique et ses caractéristiques. Cela ne veut pas dire qu’on ne peut pas l’utiliser d’une autre façon. Par exemple, quand on recycle des bouteilles d’eau, la matière obtenue a de bonnes propriétés pour faire du textile. “
Mais alors, quelle est la part de nos déchets qui sont aujourd’hui vraiment recyclés ?
” Aujourd’hui, nous jetons 70 kg de plastique par an et par habitant en France. Cela inclut tous les plastiques : les emballages, mais aussi tous les objets en plastique : vieux jouets, tables de jardin… Sur ces 70 kg de plastique, 14 kg sont triés et collectés, soit 20% seulement. Il est ensuite extrêmement difficile de savoir ce qui est vraiment recyclé. Vu qu’on sait que beaucoup de plastiques ne sont pas recyclés, c’est forcément beaucoup moins que 20% des plastiques qui sont aujourd’hui vraiment recyclés en France.
Ce que nous savons, c’est que seulement 6 à 8 % des plastiques mis sur le marché en France sont issus du recyclage français. Le recyclage est donc loin d’être la solution magique au problème des déchets plastiques. “
Est ce que de nouvelles technologies sont en cours de développement pour améliorer le recyclage réel des plastiques ?
” Pour le moment, nous sommes un peu sceptique. Il ne faut pas rêver et attendre une nouvelle technologie miraculeuse car aujourd’hui on a plus le temps ! Il faut éviter massivement les emballages plastiques et il existe déjà de nombreuses solutions : la consigne, le vrac… “
Comment s’y retrouver quand on est un consommateur face à un produit présenté comme “100% recyclable” ? Comment savoir si c’est vrai ?
” Un emballage plastique présenté comme 100% recyclable c’est forcément un mensonge car comme on l’expliquait, il y a forcément de la perte pendant le recyclage. Rien n’est donc jamais recyclé à 100%. Après, il faut aussi se rappeler que certains emballages sont recyclables en théorie mais dans les faits très peu recyclés comme les pots de yaourts, les emballages souples…
Il y a un vrai problème en France sur l’utilisation du mot “recyclable”. Sur le plan juridique, au niveau européen, on a le droit d’afficher qu’un produit est “recyclable” s’il existe une filière de recyclage industrielle et rentable. En gros, si c’est vraiment possible de recycler dans les faits. Mais en France, nous avons ajouté une exception ! On a le droit de dire que c’est “recyclable” s’il existe juste une filière de test du recyclage. A ce petit jeu tout devient “recyclable”. Ladite filière de test peut être un hangar avec trois machines, comme c’est le cas pour les tests sur le recyclage des pots de yaourt. Cela contourne complètement l’esprit de la réglementation européenne. “
Mais alors que faire ??
” Aujourd’hui, on conforte l’acte de consommation en vantant le recyclable infini et le tout recyclable. C’est une stratégie marketing. En effet, c’est devenu un frein pour les consommateurs d’acheter du plastique car le plastique a une mauvaise image. En entretenant le flou entre “recyclable” et “recyclé”, l’objectif est de déculpabiliser le consommateur pour qu’il ne change pas ses habitudes de consommation.
Il faut passer le cap et se dire qu’il faut consommer autrement. Le recyclage pour des voitures OUI, le recyclage pour des produits à usage unique ou des emballages du quotidien NON. Il faut pousser les solutions de vrac, de consigne… Plus il y aura de demande pour ces services, plus il y aura d’offres ! “
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Entretien réalisé par Sarah Bougeard pour Time to Act